8vo (169x104 mm). [11], 245, [1] leaves. Collation: ã8 ē4 A-Hh8. Lacking the blank leaves ē4, Hh7 and Hh8. Groulleau's device on title page. Woodcut initials. Colophon on l. Hh5r, Privilège du Roi on ll. Hh5v-6v. Roman and italic types. 19th-century gilt hazelnut calf, spine in compartments with lettering piece, gilt edges, marbled endleaves, blue silk bookmark (part of the spine and hinges skillfully repaired). On the front flyleaf bookplate with the monogram “AMB”, on the title page barely readable ownership entry “Le marquis De P[…]” and library stamp “Ex bibliotheca J. Richard M.D.” (repeated on l. A1r). Contemporary manuscript notes on ll. Q2r and Q6r in a French hand. Worm tracks repaired on the lower blank margin of most of the volume only occasionally minimally affecting the text, title page slightly soiled, some occasional light browning, all in all a good copy.
Extremely rare first edition of this collection of fifty-four moralizing stories, often rather coarse and spicy, nevertheless dedicated “Aux sages et vertueuses Dames de France”. The work is traditionally attributed to Antoine de Saint-Denis, a priest from the diocese of Mans, who seems to have been in close relationship with Marguerite de Navarre. “Par ses tendances come par sa forme littéraire, ce recueil appartient bien au petit cercle des contes de la reine de Navarre, et la personalité d'Antoine de Saint-Denis [curé de Champfleury] s'y encadre sans difficulté […] Il faut reconnaître que, en effet, si Marguerite d'Angoulême étendit largement sa protection sur le monde entier des lettres et des arts, elle se fit tout près d'elle un cenacle choisi de poëtes et de conteurs, et que sa personalité fut, pour ceux-ci, una cause vivante démulation autant qu'un centre d'attraction […] Par ces points de contact fréquents entre le livre de la reine de Navarre et le recueil de Comptes du monde adventureux se trouve corroborée l'opinion que j'ai déjà émise au sujet de la priorité des ces Comptes, priorité d'allieurs publiquement affirmée par les amis de l'auteur au moment de l'impression du recueil in 1555, et qui ne souleva de la part des contemporaines aucune réclamation” (F. Frank, Notice, in: “Les comptes du monde adventureux”, Paris, 1878, pp. XIV, XXIV and CXXVII; see also V.-L. Saulnier, Martin Pontus et Marguerite de Navarre, la Réforme lyonaise et les sources de l'Héptameron, in: “Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance”, XXI, 1959, pp. 577-594).
At the beginning of each story the author gives his short general moral lesson and at the end he addresses specifically to women to tell them what lesson they have to draw from the story. As in Boccaccio's Decameron, the stories are told within a narrative frame, which is in itself a short story. The author is traveling from Provence to Savoy through the Dauphiné. Along the way he meets a gentleman who is accompanying his recovering wife to a thermal center. He joins them and their group, and during the journey - on horseback, during and after meals - they tell each others short stories to entertain themselves.
Investigations about the sources of the stories were made by G.-A. Pérouse in his Nouvelles françaises du 16me siècle (Genève, 1977, pp. 139-155). Thus the main source of the stories is Masuccio Salernitano (c. 1410-1475), as at least thirty stories are drawn from him. Some single stories are adaptations from the Pecorone of Giovanni Fiorentino (fl. mid 14th cent.), from Heinrich Bebel (1472-1518), from Matteo Bandello (1485-1561) (cf. V.-L. Saulnier, Sur une nouvelle de Bandello et l'un des Comptes du Monde adventureux, in: “Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance”, XXIII, 1961, pp. 347-350), from Le petit Jehan de Saintré by Antoine de La Sale (c. 1388-1461) (cf. G.-A. Pérouse, Les Comptes du Monde adventureux et le roman de Jehan de Saintré, in: “Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance”, XXX, 1968, pp. 457-469), and from the Cent Nouvelles nouvelles (c. 1450s). The remaining stories, however, are original and “constituent un ensemble de récits inspirés par des anecdotes françaises et contamporaines, dont la note est très distincte de celle que rend le reste du recueil; ce sont des nouvelles, au sens propre du terme” (Pérouse, op. cit., p. 144).
“[…] A.D.S.D. est écrivain et, de plus d'une manière, y fait preuve d'originalité. Tout d'abord, ses ‘histoires' sont loin d'être tout “traduites”; et, lorsque traduction il y a, celle-ci est rarement simple traduction. Mais notre auteur se distingue encore par son recours à un récit liminaire (alors que les collections commerciales en sont depourvues, on l'a constaté), ou par le fait que ses emprunts s'addressent à la ‘deuxième génération' des modèles italiens, enfin et surtout par sa constante volonté d'enseigner […] Tout cela étant, les Comptes du Monde adventureux ont bien une place entre Taillemont et Tahureau. Mais ils sont aussi liés de près à l'Heptameron […] Malgré la date tardive de leur publication, au bord des années de crise, les Comptes du Monde adventureux se rattachent assurément, pour une part, à la grande époque du genre. Les quinze récits realists qui s'y détachent ont leur place à côté des Nouvelles Récreations et surtout de l'Heptaméron: narrations ‘ancrées' dans la réalité sociale quotidienne de ce côté-ci des Alpes, et exprimant ces réalités françaises dans des intrigues souvent fort reussies, ce sont proprement des ‘nouvelles' au sens que nous avons voulu dégager au début de cette étude – éléments épars d'un authentique ‘Decameron françois' ”(Pèrouse, op. cit., pp. 140 and 154).
“La répartition des délits et du personnel criminel entre histoires comiques et histoires tragiques dans l'Heptaméron et Les Comptes du monde adventureux délivre un premier enseignement: les crimes les plus graves sont associés aux histoires tragiques tandis que les crimes bénins sont majoritaires dans les histoires comiques – ce qui n'exclut néanmoins pas la présence de délits majeurs. Dans ces deux recueils, les histoires tragiques accordent une place prépondérante aux crimes les plus graves tels que le meurtre, le viol ou encore l'adultère – ce dernier délit étant lui-même considéré comme le plus criminogène de tous, dans la mesure où il entraîne dans son sillage une multiplication des crimes les plus graves, de l'homicide au crime de lèse-majesté […] [D]ans la trente-quatrième histoire des Comptes du monde adventureux, l'adultère monnayé d'une dame avec un étudiant mène le mari trompé à assassiner son épouse et dans la cinquantième histoire, l'adultère d'une dame avec un écuyer la conduit à commettre un homicide, celui d'un enfant innocent. De manière générale, les pulsions sexuelles et les malheurs liés à l'amour et au désir sont au cœur des histoires tragiques où désir et violence sont étroitement associés […] (dans Les Comptes du monde adventureux, sur onze histoires criminelles trois tragiques, un mariage clandestin, cinq relations sexuelles illicites et quatre adultères peuvent être comptabilisés): l'amour est mortifère et malheureux dans la peinture tragique […] Cependant, contrairement à ce qui se passe dans l'Heptaméron, les histoires comiques réservent dans Les Comptes du monde adventureux une place importante aux délits mineurs, vols, duperies et autres bons tours, dont les victimes provoquent le rire, et non la compassion. Ce personnel criminel professionnel est représentatif de la perspective facétieuse et satirique, tandis qu'il est le plus souvent absent des histoires tragiques ou y apparaît au second plan. La satire des milieux marchands et artisans, dans la tradition des fabliaux, est présente dans la onzième histoire où un couturier voleur se fait meunier et apprend à être un peu larron pour éviter d'être réduit à la mendicité ; les moines malhonnêtes sont mis en scène dans la dixneuvième histoire et dans la vingt-deuxième, alors que les membres du clergé apparaissent au contraire comme des proies faciles pour les voleurs du fait même de leur cupidité et de leur soif d'argent dans les trente-troisième et quarante-sixième histoires. Ces figures criminelles sont héritières de la tradition satirique et se caractérisent par la ruse, la finesse, la duplicité dont elles font preuve pour mystifier leurs victimes. La vingt-quatrième histoire est très représentative, puisque le menu larcin accompli par les protagonistes est assimilé à une plaisanterie, une raillerie permettant de rire aux dépens d'un personnage respecté, un docteur ès lois de la ville de Boulogne: l'identité de la victime, un notable, représentant de la justice ou membre du clergé, contribue beaucoup à faire ressortir le sel des bons tours accomplis par des personnages mi-voleurs mi-plaisantins” (E. Ziercher, Représentations du sujet criminel, entre facétie et pathétique, in: “Juges et criminels dans la narration brève du XVIe siècle, J.-C. Arnould, ed., 2010, pp. 2-3 and 8; see also W.K. Pietrzak, Le Tragique dans les nouvelles exemplaires en France au XVIe siècle, Lódź, 2006, ad indicem; and L. Dion, Histoires de mariage. Le mariage dans la fiction narrative française (1515-1559), Paris, 2017, ad indicem).
The present edition was shared between four Parisian publishers: Estienne Groulleau, Jean Longis, Robert Le Mangnier and Vincent Sertenas, and is extant with three variant title pages bearing the name of one or the other publishers. The work was very successful and was reprinted seven times until the end of the century. The 1582 edition contains an addition of five “discours modernes et facetieux”, that do not appear in the latest known 16th-century edition printed in 1595. The first modern edition is the one edited and commented by F. Frank cited above, that was reprinted at Geneva in 1969 (cf. Pérouse, op. cit., p. 502).
BMSTC French Books, 127; Cioranesco, 6795; Melzi, I, 236; Barbier, I, 658.
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